Talon d’Achilles

J’ai déjà subi quelques blessures dans ma courte vie: commotion cérébrale, fracture ouverte de l’avant-bras, ablation du ménisque, plusieurs grosses entorses etc. Aujourd’hui j’aimerais raconter une histoire de talon d’Achilles.

Samedi 24 avril

Tout commence un beau samedi après-midi à notre champ de bosses. Je fais une chute assez débile dans une cuvette. A priori, on dirait que je me suis fait une entorse, comme ça m’est déjà arrivé plusieurs fois.

La scène du crime
La scène du crime

Puisque je n’arrive pas à poser le pied, Clap me prête les béquilles qu’il garde précieusement chez lui, au cas où. Sa maman, qui est médecin, me fait un gros pansement adhésif “Flector” et m’en donne 2 autres pour dimanche matin et soir. Elle m’a aussi donné 1 Brufen 600mg et m’a dit de surélever la jambe pour que ça dégonfle, et de mettre de la glace.

Quelques heures après l’accident
Quelques heures après l’accident
Un peu plus de 24h après l’accident, pas encore consulté de médecin
Un peu plus de 24h après l’accident, pas encore consulté de médecin

Lundi 26 avril (2 jours)

Lundi matin je vais voir le Dr Pinter au CMEV (Centre Médical des Eaux-Vives) juste en bas de chez moi. Il fait des radios, ne voit rien notamment parce que c’est trop gonflé et décide que c’est une bonne grosse entorse. On me fait un plâtre à l’arrière de la jambe pour stabiliser l’articulation et me met en arrêt de travail complet pendant une semaine. On me prescrit du Ponstan, la pharmacie me donne de l’acide méfénamique (posologie 3x par jour 1 tablette), mais je ne prends rien puisque la douleur est largement supportable. C’est surtout le molet qui me fait mal pendant les premières minutes lorsque je me mets debout.

Premier plâtre et arrêt de travail
Premier plâtre et arrêt de travail

Jeudi 29 avril (5 jours)

Je revois le docteur qui me met en arrêt de travail à 50% dès lundi, sur ma demande. En effet, j’ai pas besoin de mes pieds pour coder (même s’il m’arrive de coder comme un pied). Je n’ai aucune douleur particulière.

Jeudi 6 mai (12 jours)

Je vais voir le docteur pour me faire enlever le plâtre. Il me donne un rdv pour une IRM afin de vérifier l’état de mes ligaments. La cheville est toujours enflée et il est à mon avis impossible de marcher sans béquilles, alors que le docteur prétend qu’à ce stade ça devrait être possible. Imbécile.

Katia m’offre pour mon 30ème anniversaire un weekend à Grindelwald. C’est dommage que je ruine en partie l’expérience avec ma cheville en vrac.

Après 2 semaines avec un plâtre
Après 2 semaines avec un plâtre
Sur la Jungfrau avec des béquilles. Ô joie.
Sur la Jungfrau avec des béquilles. Ô joie.
Bandages trop serrés? :D
Bandages trop serrés? :D

Dimanche 9 mai (15 jours)

En rentrant de Grindelwald, alors que j’avais marché avec mes béquilles sur de la neige voire de la glace, je m’étale lamentablement dans le hall de mon immeuble parce que le sol était mouillé. Par réflexe, je tente de me rattraper, mais avec le mauvais pied. J’ai comme un éclair visuel et de l’électricité qui parcourt tout mon corps pendant une fraction de seconde. Ça m’a clairement fait plus mal que la chute initiale au champ de bosses. J’ai une douleur très aigüe pendant 5 minutes et je reste allongé comme un con dans le hall d’entrée de l’immeuble. Katia m’oblige à appeler SOS Médecins pour avoir un avis sur la situation. Le docteur au bout du fil est étonné que je n’aie pas d’attelle et que l’IRM n’est prévue que plus de 2 semaines après l’accident alors que la cheville est toujours enfle. Je prends ma première tablette d’acide méfénamique prescrite il y a 2 semaines.

Mardi 11 mai (17 jours)

Je me fais résonner magnétiquement. Résultat: plusieurs micro-fractures et le tendon d’Achilles partiellement sectionné. Dr Battikha, le responsable de l’IRM, dit qu’il va contacter Dr Pinter demain.

Je soupçonne que le tendon était un peu moins déchiré il y a 2 semaines et que ma chute dans le hall d’entrée l’a plus tailladé.

Mercredi 12 mai (18 jours)

N’ayant pas reçu d’appel du Dr Pinter dans la matinée, je l’appelle et lui donne le résultat de l’IRM. Il accepte de me voir illico (oui, parce que monsieur allait partir en vacances…). Il me refait un plâtre.

Lundi 17 mai (23 jours)

J’ai rdv chez un orthopédiste, Dr Sandoz, pour discuter de ma future opération. Pas de bol, les images de l’IRM se sont perdues quelque part entre Dr Battikha et Dr Pinter. Elles étaient sensées arriver chez Dr Sandoz ce matin-même. Il me fait le “test de Thomson”, qui est en fait simplement un pincement du molet. Un pied normal bouge, un pied avec un tendon cassé ne bouge pas. Sa conclusion: le tendon est bel et bien sectionné et il faut opérer.

Je dois payer 300 CHF de frais administratifs de ma poche, non remboursable par aucune assurance. Arnaque? Après clarification, ce montant vient du fait que je n’ai pas d’assurance accident complémentaire qui prend en charge les hospitalisations en clinique. Bizarre, j’ai cru avoir une assurance qui fait exactement ça. Mais c’est mon employeur qui a l’assurance accident, donc je ne sais pas. Les emmerdes classiques avec les assurances qui n’assurent pas. L’opération est prévue le 31 mai à la Clinique de Champel MV Santé.

Mon plâtre est remplacé par une attelle, ce qui est nettement mieux pour me doucher. Le pied ne me fait toujours pas mal, et c’est tant mieux. Je bosse toujours à 50%.

Après un second plâtre, une attelle
Après un second plâtre, une attelle

Mardi 25 mai (31 jours)

J’ai un rdv avec l’anesthésiste Dr Chastoney pour fixer l’heure de l’opération. J’aurai une anesthésie totale.

Lundi 31 mai (37 jours)

C’est le jour de l’opération, 37 jours après l’accident. J’entre en clinique à 8h, à jeun. J’y vais en bus et tram. L’opération est prévue pour 9h15, mais rien ne se passe jusque vers 11h. Je dois me laver le pied avec une solution désinfectante à l’iode et enlever mon piercing à la langue, soit disant pour éviter que je l’avale (!!!). L’anesthésie est trop cool, avec une sensation de froid qui part de la main où se trouve la perfusion, puis remonte le bras et en 3–4 secondes je suis out.

Je me réveille vers 14h je crois. J’ai des douleurs qui me font un peu spasmer dans tout le corps, mais l’infirmière me fait des shot de morphine, donc ça passe. Plus tard, je me re-réveille dans ma chambre mais je sue comme un porc. En fait, l’infirmière se rend compte que le chauffage est allumé! Bravo. Je somnole encore beaucoup. Je bois 2 petits verres de thé froid et mange 2 biscuits. J’essaie d’aller pisser, tout va bien jusqu’au moment où je retourne dans la chambre. J’ai des nausées.

L’heure est arrivée de partir. J’appelle beau-papa, je me rhabille, remercie les infirmières, et vais m’asseoir dans la salle d’attente. Heureusement j’ai embarqué un sac plastique, puisque je finis par vomir en attendant mon chauffeur. Apparemment c’est un effet secondaire de la morphine.

J’ai donc de nouveau un plâtre, le troisième de cette aventure. On me prescrit du Postan 500 (=acide méfénamique) et du Dafalgan, à prendre en alternance. Pour l’instant, je n’ai pas pris de Dafalgan (=anti-douleur).

A aucun moment je n’ai vu le docteur à part 10 sec avant de m’endormir pour l’opération, ce que je trouve bizarre.

Troisième plâtre. Post-opératoire cette fois.
Troisième plâtre. Post-opératoire cette fois.

Mardi 1 juin (38 jours)

J’ai rdv avec l’orthopédiste pour changer mes pansements. Je fais le déplacement en vain puisqu’ils ne changent rien du tout. Je suis en arrêt de travail à 100%.

Vendredi 4 juin (41 jours)

J’ai enfin vu le médecin, la première fois depuis l’opération. Il me dit qu’en fait, normalement, le tendon se casse 5 à 10 cm au dessus du talon. Pas chez moi. Forcément. Non, chez moi, le tendon s’est détaché à l’endroit où il est collé à l’os du talon. Du coup, le chirurgien a fait 2 petits trous verticaux dans l’os du talon, depuis sous le pied. Ensuite, c’est de la couture: tu prends du fil, tu remontes dans un des trous, tu accroches le tendon, tu tires le tendon en bas, tu redescends dans l’autre trou et tu fais un petit nœud sous l’os du talon. Charmant, non? Le fil va rester à vie.

Maintenant j’ai une attelle “robocop”. J’ai mon pied à 30 degrés pendant 3 semaines, puis à 15 degrés pendant encore 3 semaines. La guérison complète du tendon ne se fera pas avant 3 mois. Clapi, je pense encore à quand tu m’as ramené en voiture et m’as demandé si je pensais que ça allait prendre 2 jours ou 2 semaines et que j’ai dit “ouais, plutôt 2 semaines”. Eh bien, ça fera 4.5 mois! La galère. L’été est foutu.

Seconde attelle, avec angle réglable
Seconde attelle, avec angle réglable

Lundi 14 juin (51 jours)

Je vais faire enlever les agrafes. Dès demain, je bosse à nouveau à 50%.

Et une cicatrice de plus
Et une cicatrice de plus
J’aimerais bien voir à quoi ressemble leur agrafeuse
J’aimerais bien voir à quoi ressemble leur agrafeuse

Lundi 21 juin (58 jours)

Je dois voir le médecin pour changer l’angle de l’attelle. Je marche désormais sans béquilles. Il me dit que ma blessure est quand même assez originale. Normalement ça arrive au tennis. Il dit aussi que je peux enlever l’attelle pour dormir.

Il me dit que je peux bosser à 100% dès mardi prochain. En fait, c’est moi qui ai insisté un peu, car j’ai mauvaise conscience, l’impression de tricher, si je suis assis devant mon ordi chez moi alors que je suis sensé l’être au bureau. En tout cas l’expérience temporaire de travailler à temps partiel m’a plu, surtout en etant payé à 100%, hehe. Evidemment je préfère encore ne pas avoir un tendon niqué.

Dimanche 4 juillet (71 jours)

Alors que je gratte un endroit de la cicatrice qui ne s’est jamais fermé, 2 fils d’un demi centimète ainsi qu’un noeud font leur apparition. Je fais une photo et l’envoie par e-mail au docteur. On me répond et j’ai rdv mardi pour enlever ce fil.

Alien bursting
Alien bursting

Mardi 6 juillet (73 jours)

Il s’avère qu’il s’agit d’un fil de suture sous-cutané qui peut dans certains cas ressortir. Soit le corps détruit le fil au bout de 3–4 semaines, soit il le rejette et le pousse en dehors de la peau. Ce qui explique que le fil ne soit apparu que quelques semaines après l’opération.

J’ai le droit de faire du vélo pour me déplacer, tant que j’évite les gros efforts. Je reprendrai le vélo comme moyen de locomotion lorsque mon second abo mensuel des TPG arrivera à terme le 19 juillet prochain.

J’essaie d’aller nager le plus souvent possible au lac. L’orthopédiste m’a dit que c’était bon pour mon articulation.

Lundi 2 août (100 jours)

J’ai rdv pour changer l’angle de l’attelle de 30 à 15 degrés. Le doc trouve que la cheville a bien repris de la flexibilité. Dans le mois à venir, je peux gentiment enlever l’attelle pour les activités tranquilles (je pense dans l’appart) et me mettre au vélo peinard. J’ai peut-être un peu forcé ces derniers jours avec le déménagement de Katia et le nettoyage de l’appart, mais ça a l’air de tenir.

Le prochain rdv est dans 2 mois, juste avant de partir à l’armée. J’espère avoir une dispense béton.

Vendredi 24 septembre (153 jours)

Ça fait maintenant un mois que je ne mets plus mon attelle. J’arrive à avoir une activité quotidienne normale (marcher, vélo pour me déplacer, douche etc). J’ai même essayé un peu le BMX en mode super chill. Ça va bien mais je n’ose pas imaginer en cas de faux mouvement au niveau de la cheville! Donc je reste prudent. Et surtout, ça tire pas mal en dessous du molet jusqu’au talon. Le côté gauche de la cheville me fait un peu mal aussi, mais je suppose que c’est normal.

Je me pointe chez le docteur et il me sort “vous ne voyez pas encore de physio?” avec un ton qui ressemble beaucoup à un reproche. Je réponds avec le même ton que “non, parce que vous ne m’avez jamais indiqué qu’il fallait. Et que beaucoup de personnes de mon entourage étaient étonnées”. Bref, il me donne un bon pour 9 séances. Je vais faire ça après l’armée je suppose. Il m’examine et constate que j’ai perdu 2-3 degrés de mouvement. Je vais essayer de regagner ça. Il me demande de me mettre sur un pied et de monter sur la pointe des pieds. Ça m’est totalement impossible! Y a encore du boulot.

Pour l’armée, il me dit qu’il ne peut rien faire sauf confirmer l’opération et le fait qu’aucune activité physique ne m’est permise. J’ai récupéré les clichés de l’IRM. Je me pointerai avec ça le premier jour de mon cours de répétition.

Mardi 5 octobre (164 jours)

J’insiste pour voir le médecin militaire. Il me dispense de tout et me conseille de trouver un boulot dans un bureau. J’arrive à m’incruster au magasin matériel, ce qui s’avérera plutôt être une bonne idée. Le médecin m’a dit aussi que je pourrais rentrer en tout temps si je ressens trop de douleur.

Dimanche 24 octobre (183 jours)

J’arrive presque à monter et descendre les escaliers normalement. Par contre, il m’est impossible de courir. Non parce que ça fait spécialement mal, mais parce qu’il manque simplement le muscle ou le raccordement os-tendon ou je sais pas quoi. C’est assez particulier comme sensation. Normalement je devrais faire de la physio, mais comme je suis à l’armée ce n’est pas possible. Mon premier rdv est pris pour le lundi de la “rentrée” et 1 semaine après je revois le doc. Je ne pense pas qu’il va constater une nette amélioration. Mais j’espère vraiment que d’ici janvier, tout sera réglé pour mon voyage BMX-istique en Californie!