L'alchimiste (3/5)

Il était donc en train d’apprendre diverses nouvelles choses. Des choses dont il avait déjà eu l’expérience, et qui pourtant étaient nouvelles parce qu’elles s’étaient trouvées sur son chemin sans qu’il s’en fût rendu compte. Et cela parce qu’il avait l’habitude de ces choses.

Si je peux apprendre à déchiffrer ce langage qui se passe des mots, je parviendrai à déchiffrer le monde.

J’ai peur de réaliser mon rêve et n’avoir ensuite plus aucune raison de continuer à vivre.

Mais j’ai peur que ce ne soit une immense déception, de sorte que je préfère encore me contenter de rêver.

Tu as été pour moi une bénédiction. Et voici qu’aujourd’hui je comprends une chose : c’est que toute bénédiction qui n’est pas acceptée se transforme en malédiction. Je n’attends plus rien de la vie. Et toi, tu m’obliges à entrevoir des richesses et des horizons dont je n’avais jamais eu idée. Alors, maintenant que je les connais, et que je connais mes immenses possibilités, je vais me sentir beaucoup plus mal que je n’étais auparavant. Parce que je sais que je peux tout avoir, mais je ne le veux pas.

Et pourtant, les brebis avaient enseigné une chose autrement importante : qu’il y avait dans le monde un langage qui était compris de tous, et que lui-même avait employé pendant tout ce temps pour faire progresser la boutique. C’était le langage de l’enthousiasme, des choses que l’on fait avec amour, avec passion, en vue d’un résultat que l’on souhaite obtenir ou en quoi l’on croit. Tanger n’était maintenant plus pour lui une ville étrangère, et il eut le sentiment que, de même il pourrait conquérir le monde.

Il se trouvait à 2 heures à peine, en bateau, des plaines de l’Andalousie, mais entre lui et les Pyramides il y avait un désert. Il comprit que la situation pouvait être envisagée aussi de la manière suivante : en vérité, il se trouvait maintenant à 2 heures de moins de son trésor. Même si, pour faire ce trajet de 2 heures, il avait dû mettre tout près d’une année entière.

Quand quelqu’un prenait une décision, il se plongeait en fait dans un courant impétueux qui l’emportait vers une destination qu’il n’avait jamais entrevue, même en rêve, au moment où il avait pris cette décision.

Dans la vie, tout est signe, dit l’Anglais, qui cette fois referma la revue qu’il était en train de lire. L’univers est fait en une langue que tout le monde peut entendre, mais que l’on a oubliée. Je cherche ce Langage Universel, entre autres choses. C’est pour cette raison que je suis ici. Parce que je dois rencontrer un homme qui connaît ce Langage Universel. Un Alchimiste. [… ] Il donne aux signes le nom de ‘chance’, dit l’Anglais, une fois que l’autre fut sorti. Si je le pouvais, j’écrirais une énorme encyclopédie sur les mots ‘chance’ et ‘coïncidence’. C’est avec ces mots-là que s’écrit le Langage Universel.

C’est là le principe qui meut toute chose, dit-il. Ce qu’on appelle en alchimie l’Ame du Monde. Quand on désire quelque chose de tout son coeur, on est plus proche de l’Ame du Monde. C’est toujours une force positive.

Il dit aussi que ce n’était pas seulement un privilège des hommes : tout ce qui existait sur la face de la terre avait également une âme, que ce fût un minéral, un végétal, un animal, ou simplement une pensée.

Je suis vivant, dit-il au jeune homme, tout en mangeant une poignée de dattes, dans la nuit sans lune et sans feux de camp. Et pendant que je mange, je ne fais rien d’autre que manger. Quand je marcherai, je marcherai, c’est tout. Et s’il faut un jour me battre, n’importe quel jour en vaut un autre pour mourir. Parce que je ne vis ni dans mon passé, ni dans mon avenir. Je n’ai que le présent, et c’est lui seul qui m’intéresse. Si tu peux demeurer toujours dans le présent, alors tu seras un homme heureux. Tu comprendras que dans le désert il y a de la vie, que le ciel a des étoiles, et que les guerriers se battent parce que c’est là quelque chose d’inhérent à la vie humaine. La vie alors sera une fête, un grand festival, parce qu’elle est toujours le moment que nous sommes en train de vivre, et cela seulement.

A la vérité, les choses ne révélaient rien par elles mêmes; c’étaient les gens qui, en observant les choses découvraient la façon de pénétrer l’Ame du Monde.