Genou
En 1998, j’allais au collège, j’habitais à Bulle et je faisais du BMX depuis quelques années. Un jour, sur une tentative de nac-nac, je chute jambe droite tendue et écrase mon genou. A 18 ans, on se relève d’une chute, on attend un peu, et on reprend de plus belle. Dans les semaines qui suivent, j’ai à plusieurs reprises le genou qui enfle, et mon médecin de famille retire du liquide à deux occasions. Aucune IRM ne sera jamais faite.
Une année plus tard, en cours de gym, pendant un match de handball, je fais une chute insignifiante et me bloque la jambe. Ça ne faisait pas particulièrement mal. La jambe était simplement bloquée, en position tendue. On finit par m’opérer et enlever la majeure partie (ou la totalité? je ne me rappelle pas) de mon ménisque extérieur droit. Un mois plus tard, je devais partir à l’école de recrue, mais mon chirurgien m’avait assuré que je n’aurais pas à faire l’armée[1].
Pendant 19 ans, mon genou me faisait mal de temps en temps. J’ai perdu pas mal de flexion. Ce texte n’est cependant pas l’histoire de mon genou droit, mais celle de son voisin d’à côté, le genou gauche.
Lundi 2 avril 2018
Depuis que je suis de retour en Romandie, je n’avais pas encore fait beaucoup de sessions de BMX à Genève. J’ai profité du congé du lundi de Pâques pour aller rouler au bowl de Plainpalais. C’était une excellente après-midi, jusqu’au moment où je tente un footjam et m’écrase lamentablement en bas de la courbe, jambe tendue. La sensation que j’ai alors eue dans mon genou m’a rappelé quelque chose. Quelque chose de pas très positif.
Vendredi 6 avril (4 jours)
Mardi et mercredi, le trajet à vélo pour aller au boulot était douloureux. J’ai évité d’appuyer avec ma jambe gauche. J’ai appris de la dernière fois et ai décidé de consulter au plus vite. J’ai choisi le Centre Médical de Vidy parce que leur site mentionnait médecine du sport, et ai donc supposé que les médecins savent ce qu’ils font.
Dr Cassan manipule un peu mon genou et me dit que ce n’est probablement rien, une petite entorse. Il me prescrit des anti-inflammatoires. Ça tombe bien, il m’en reste de mon aventure avec ma clavicule, avec une date d’expiration à mars 2018. Il me dit de revenir si la situation ne s’améliore pas dans les 5 jours.
Mardi 17 avril (15 jours)
Je donne à mon genou 10 jours au lieu de 5 pour se remettre, mais ça ne suffit pas. Je retourne donc au centre médical, sans rendez-vous, et Dr Cassan n’est pas là. Au moins je me dis que j’aurai un second avis. Je tombe sur Dr Serra, qui arrive à la même conclusion que son collègue. Il me dit que je peux faire une IRM «pour me rassurer» (sic). Forcément j’hésite beaucoup et demande l’avis de la famille, de Guiom, Damien, Fouego, tout en précisant que ma chute me rappelais malheureusement celle d’il y a 19 ans. Tous me conseillent de faire l’IRM.
Lundi 23 avril (21 jours)
Je vais faire l’IRM à la Clinique de La Source.
Mercredi 25 avril (23 jours)
Je reçois les résultats de l’IRM par téléphone: déchirure partielle et déplacement du ménisque. Jackpot! Un rendez-vous avec un orthopédiste est fixé.
Vendredi 4 mai (32 jours)
Selon Dr Mahmoutovic, une seule solution se présente à moi: opérer. Il s’est mis dans un de ces états quand je lui ai fait remarquer que c’est quand même bizarre que deux de ses collègues n’ont rien vu. J’ai l’impression que je pourrais demander à 10 médecins et avoir 10 avis différents.
Cela fait 1 mois maintenant que je n’ai pas fait de sport, et mon genou ne s’est pas amélioré. Evidemment je n’ai pas envie d’opérer mais je ne vois pas trop d’autre solution.
La date pour l’opération est fixée à la fin de la consultation au 25 mai.
Samedi 5 et dimanche 6 mai (33 jours)
Je passe le week-end à creuser au trail, et j’ai presque plus mal au genou droit qu’au gauche.
Samedi 12 mai (40 jours)
Je vais faire un tour tranquille à VTT et réalise que le genou ne me poserait aucun problème si je me tenais à ce sport.
Jeudi 17 mai (45 jours)
Cela fait deux semaines que j’ai plus mal au genou droit qu’au gauche. J’arrive à fléchir le gauche de plus en plus. Peut-être que ma période de repos n’était pas une bonne idée? Peut-être que je ne devrais pas me faire opérer? Je n’en sais rien…
Vendredi 25 mai (53 jours)
C’est le jour de l’opération.
- 7h00: entrée à la Clinique de La Source
- 8h15: je vois l’anesthésiste Dr Belinda Calderari, j’opte pour une anesthésie des jambes uniquement, via une piqûre dans la colonne vertébrale. Elle se marre un peu quand je dois énumérer mes opérations passées.
- 8h50: début de l’opération, qui dure 45 minutes. Je suis toute l’intervention sur un écran. C’est intéressant. Le ménisque s’est un peu plié sur le côté du fémur et le chirurgien galère à le redescendre. Il a fait deux points de suture aussi, et a enlevé le moins possible avec un outil appelé shaver. Il a enlevé aussi des bouts du cartilage qui pendouillaient. Selon lui, ce n’est «pas normal» d’avoir un genou pareil à 38 ans. Il m’a demandé ce que je faisais comme sport. Je lui ai répondu VTT et BMX. Il n’a de nouveau pas demandé ce qu’est le BMX. A la fin de l’opération, il me re-demande quel est ce sport qui m’endommage autant le genou. Je re-réponds «BMX, le petit vélo qui va sur les rampes» (pas sûr que ça aide). Il me dit que je devrais arrêter «ce sport».
- 9h45—11h00: salle de réveil. Un peu avant de partir, on me file du Paracétamol[2] en perfusion pour prendre le relai de l’anesthésie.
- 13h30: je récupère mon iPhone, mais pas mes fesses, ni ma bite, qui ont toujours des fourmis.
- 14h00: je commence à sentir un peu le genou, mais ce n’est pas encore douloureux. Juste une présence.
- 16h30: pipi dans le pistolet
- 17h00: première injection d’anti-coagulant. Apparemment il faut faire ça quand on opère les jambes. Je ne m’en rappelais plus.
- 18h00: je suis debout, je marche avec des béquilles, entouré de deux infirmières qui se moquent un peu de mes précautions (wtf!).

Je me réveille plusieurs fois pendant la nuit, avec des douleurs au genou bien sûr, mais aussi au dos.
Samedi 26 mai (54 jours)
- 9h00: l’infirmière m’apprend que le chirurgien veut que je reste au moins jusqu’à 17h—18h parce qu’il y avait encore un peu de jus de genou qui arrivait dans le redon. Ça ne m’arrange pas, je pensais sortir dans la matinée et n’ai rien pris pour m’occuper.
- 13h45: le nombre de fois qu’on m’a déjà demandé si je suis sportif. A chaque prise de pouls, j’arrivais à 40-50. Oui, je fais un peu de sport. Non, je ne suis pas sportif.
- 16h00: on m’a enlevé le redon. C’est le truc que je redoutais le plus depuis la dernière fois, mais en fait ça s’est très bien passé. Peut-être que l’infirmière était plus douée, ou le tube plus petit?
- 19h00: je peux enfin rentrer. Je prends le bus avec mes cannes, et je me réjouis des 3 étages sans ascenseur à grimper chez moi.
Petit détail, mon trou de piercing à la langue ne s’est pas refermé. On doit enlever le piercing pour une opération, et ça m’est déjà arrivé que le trou se referme en un jour!
J’ai eu des douleurs légères le matin, puis plus rien le reste de la journée. Merci les médocs. Un Dafalgan[2:1] à 8h, 12h, 18h et 22h, ainsi qu’un Brufen[3] à 8h et 18h (je crois).
Dimanche 27 mai (55 jours)
- 9h00: j’ai bien dormi, sans douleurs. Je prends un Paracétamol[2:2] et un Ibuprofen[3:1] générique.
- 13h00: je fais mon premier déplacement sans cannes dans l’appartement. Tout le reste de la journée sera sans cannes.
- 21h00: 1 Paracétamol, 1 Ibuprofen
Lundi 28 mai (56 jours)
Je suis content, j’ai encore passé une nuit normale.
- 7h45: je vais faire quelques courses à la Coop avec mes béquilles et un sac à dos.
- 8h00: je commence ma journée de boulot en remote.
- 9h00: je ne prends pas de médics ce matin.
- 13h00: j’essaie de faire quelques exercices, couché sur le dos sur mon canapé. L’extension de la jambe fait un peu mal, mais c’est presque ok. La flexion par contre est limitée à 90°.
- 21h30: 1 Paracétamol, 1 Ibuprofen
Mardi 29 mai (57 jours)
- Comme hier, je décide de ne pas prendre de médics le matin.
- 12h00: je retourne faire des courses à la Coop, sans cannes (mais en les gardant à la main au cas où).
- 20h00: je fais une petite balade de 1km environ dans le parc de Valency.
- La flexion du genou a gagné 15-20°.
- Je ne prends pas de médics le soir non plus.

Vendredi 1 juin (60 jours)
Aujourd’hui je me fais enlever les fils. A chaque fois je me dis que je pourrais faire ça tout seul. Une fois de plus le docteur insiste que je dois arrêter ces activités qui me flinguent les genoux. Je lui demande alors comment il réagirait si on lui demandait d’arrêter le seul truc qui le passionne dans la vie. Il me répond que c’est exactement ce qu’il a dû faire quand il était jeune footballeur pro en Hongrie, dans la sélection nationale. Ok, bon, d’accord!
Samedi 2 juin (61 jours)
Je vais à vélo depuis la gare Cornavin à Ciclissimo à Vésenaz afin de déposer mon Santa Cruz pour une réparation.
Je fais Plainpalais → Cornavin et Gare de Lausanne → maison à pied. Je n’ai aucune douleur.
Dimanche 3 juin (62 jours)
Je reste chez moi pour ne pas bouger, mais je m’ennuie à mourir. Je prends un abo TL d’un mois pour aller au boulot en bus.
Deux jours avant que je signe pour mon appartement à Lausanne, la régie m’avais annoncé que le bail ne durerait que 6 mois. En avril, cette clause a heureusement sauté. Mais si ça n’avait pas été le cas, je serais en plein déménagement maintenant. Et ce serait mon troisième déménagement après une opération: celui de Katia à Onex après le talon, mon déménagement à Zurich après la clavicule, et maintenant le genou. En théorie, il y a effectivement eu un déménagement, au bureau, mais je n’y ai pas participé. Mes opérations sont aussi systématiquement autour de mon anniversaire: fracture du bras, le talon, la clavicule, les 2 genoux.
Mercredi 27 juin (86 jours)
J’ai rendez-vous chez le médecin pour le check un mois après l’opération. Je n’ai rien à signaler. Il me rappelle les règles: 6 semaines sans activité, 6 semaines très tranquilles, 6 semaines retour progressif à la normalité.
Samedi qui vient a lieu la jam au NT Trail. Je pense qu’il serait mieux de ne pas rouler. Et pour le trail à Morges, je vais essayer d’attendre août voire septembre.
Le prochain rendez-vous avec le docteur est fixé au 26 septembre.
Samedi 7 juillet (96 jours)
Je fais mon premier tour à VTT depuis l’opération. Rien à signaler.
Jeudi 12 juillet (101 jours)
On est allé jouer au beach volley pendant la pause de midi avec des collègues. Rien à signaler.
Mardi 24 juillet (113 jours)
J’ai fait quelques tours de bowl à Vidy. Rien à signaler. C’est toujours plutôt l’autre genou qui m’emmerde en fait.
Dimanche 12 août (132 jours)
J’ai fait l’Argentinian trail avec Gabriele. J’en ai chié un peu sur la fin quand même.
Jeudi 16 août (136 jours)
On est 1 jour avant la deadline des 6+6 semaines sans activité compromettante. C’est le premier jour de mes vacances. Je suis au NT Trail à Zurich, pour reprendre le BMX, sans y avoir touché depuis plus de 4 mois. Je suis content, tout a passé, même la nouvelle grosse ligne. J’ai tapé le genou droit à un moment en tournant le vélo, ce qui m’a donné des fourmis et une sensation bizarre. Mais le genou gauche semble ok.
Août et septembre
J’ai fait énormément de trail. J’ai chuté deux fois, et les deux fois sur le genou fraîchement opéré. Je n’ai pas eu mal, mais qui sait si ça aura des conséquences sur le long terme. Globalement j’ai les genoux un peu fatigués, mais ça va.

Mercredi 26 septembre (177 jours)
Six mois après mon accident, je revois mon chirurgien une dernière fois. Il ne peut pas s’empêcher de me refaire la morale et me sort que j’ai
un couteau sous la gorge et une épée de Damoclès sur la tête
à
seulement 38 ans
Quel poète. On discute encore un peu et c’est vraiment clair qu’il ne sait pas ce qu’est le BMX. Je lui ai quand même demandé quel sport je peux faire. Il me répond: vélo et natation. Ça me semble plausible. Puis il enchaîne sur: tennis et squash. Pardon? J’ai de la peine à imaginer que le tennis soit bon pour les genoux.
Je n’ai heureusement pas eu besoin de lui montrer mon genou, sinon j’aurais eu droit à encore plus de sermonnage. Mais bon, il a l’air d’avoir fait du bon boulot mine de rien.
Epilogue
J’ai beaucoup hésité à me faire opérer. Mais lorsque j’ai vu le problème à l’écran pendant l’opération, j’ai pensé avoir pris la bonne décision. C’est quand même regrettable qu’on ne puisse pas se fier complètement à l’avis des médecins, parce que deux d’entre eux n’ont pas vu de problème, et le troisième dit qu’il faut à tout prix opérer. Et qu’aucun des trois ne connaît le sport que tu fais.
Pour le moment tout va bien. On en reparle dans 19 ans?